30/03/2016
Migrants : ce que disaient déjà Benoît XVI et Jean-Paul II
À ceux qui reprochent au pape François de se soucier des migrants,
conseillons (d'urgence) cette lecture :
MESSAGE DU PAPE BENOÎT XVI
POUR LA JOURNÉE MONDIALE DES MIGRANTS (2006)
Les migrations: signe des temps
Chers frères et soeurs!
Il y a quarante ans, se concluait le Concile oecuménique Vatican II, dont le riche enseignement s'étend à de nombreux domaines de la vie ecclésiale. En particulier, la Constitution pastorale Gaudium et spes développa une analyse attentive sur la réalité complexe du monde contemporain, en recherchant les façons opportunes d'apporter le message évangélique aux hommes d'aujourd'hui. Dans ce but, en accueillant l'invitation du Bienheureux Jean XXIII, les Pères conciliaires s'engagèrent à scruter les signes des temps, les interprétant à la lumière de l'Evangile, pour offrir aux nouvelles générations la possibilité de répondre de façon adéquate aux interrogations éternelles sur le sens de la vie présente et future et sur la juste organisation des relations sociales (cf. Gaudium et spes, n. 4). Parmi les signes des temps que l'on peut aujourd'hui reconnaître, figurent certainement les migrations, un phénomène qui a pris au cours du siècle qui vient de se conclure une forme pour ainsi dire structurelle, devenant une caractéristique importante du marché du travail au niveau mondial, étant une conséquence, entre autres, de la profonde influence exercée par la mondialisation. Naturellement, des éléments divers confluent dans ce "signe des temps". Celui-ci comprend en effet les migrations tant intérieures qu'internationales, les migrations forcées ou volontaires, les migrations légales ou irrégulières, sujettes également à la plaie du trafic d'êtres humains. On ne peut pas non plus oublier la catégorie des étudiants étrangers, dont le nombre s'accroît chaque année dans le monde.
En ce qui concerne les personnes qui émigrent pour des raisons économiques, il vaut la peine de souligner la récente "féminisation" de ce phénomène, c'est-à-dire la présence croissante de la composante féminine dans celui-ci. En effet, par le passé, ce sont surtout les hommes qui émigraient, même si les femmes n'ont jamais non plus été totalement absentes; mais à l'époque, elles se déplaçaient surtout pour accompagner leur mari ou leur père, ou pour les rejoindre là où ils se trouvaient. Aujourd'hui, bien que les situations de ce genre soient encore nombreuses, l'émigration des femmes tend à devenir de plus en plus autonome: la femme franchit seule les frontières de son pays, à la recherche d'un emploi dans le pays de destination. Souvent, la femme qui émigre devient même la principale source de revenus pour sa famille. La présence des femmes se constate de fait principalement dans les secteurs qui offrent de bas salaires. Si les travailleurs migrants sont donc particulièrement vulnérables, parmi eux, les femmes le sont encore davantage. Les secteurs d'emploi les plus fréquents, pour les femmes, sont constitués, non seulement par le travail domestique, mais également par l'assistance aux personnes âgées, le soin des personnes malades, les services liés à l'activité hôtelière. Il s'agit d'autant de domaines dans lesquels les chrétiens sont appelés à manifester leur engagement pour que les migrantes soient traitées de façon juste, afin que leur condition de femme soit respectée et que l'égalité de leurs droits soit reconnue.
Il faut mentionner, dans ce contexte, le trafic d'êtres humains - et surtout de femmes - qui se développe là où les possibilités d'améliorer ses conditions de vie, ou même de survie, sont rares. Il devient facile pour le trafiquant d'offrir ses "services" aux victimes, qui souvent, n'ont pas le moindre soupçon de ce qu'elles devront ensuite affronter. Dans certains cas, des femmes et des jeunes filles sont destinées à être ensuite exploitées sur le lieu de travail comme des esclaves, et souvent également dans l'industrie du sexe. Bien que ne pouvant pas approfondir ici l'analyse des conséquences d'une telle migration, je fais mienne la condamnation, déjà exprimée par Jean-Paul II de "la culture hédoniste et mercantile fort répandue qui prône l'exploitation systématique de la sexualité" (Lettre aux femmes, 29 juin 1995, n. 5). Il existe ici tout un programme de rédemption et de libération, auquel les chrétiens ne peuvent se soustraire.
En ce qui concerne l'autre catégorie de migrants, celles des demandeurs d'asile et des réfugiés, je voudrais souligner qu'en général, on s'arrête sur le problème soulevé par leur entrée, et l'on ne s'interroge pas également sur les raisons qui les poussent à fuir leur pays d'origine. L'Eglise regarde tout ce monde de souffrance et de violence avec les yeux de Jésus, qui s'émouvait devant le spectacle des foules errant comme des brebis sans pasteur (cf. Mt 9, 36). Espérance, courage, amour et également "imagination de la charité" (Lettre apost. Novo millennio ineunte, n. 50) doivent inspirer l'engagement humain et chrétien nécessaire pour venir à l'aide de ces frères et soeurs qui souffrent. Leurs Eglises d'origine ne manqueront pas de manifester leur sollicitude à travers l'envoi d'assistants de leur propre langue et culture, dans un dialogue de charité avec les Eglises particulières d'accueil. A la lumière des "signes des temps" actuels, une attention particulière doit être enfin portée au phénomène des étudiants étrangers. Grâce également aux "échanges" entre les diverses Universités, en particulier en Europe, leur nombre enregistre une croissance constante, entraînant aussi des problèmes pastoraux, que l'Eglise ne peut négliger. Cela vaut en particulier pour les étudiants provenant des pays en voie de développement, pour lesquels l'expérience universitaire peut constituer une occasion extraordinaire d'enrichissement spirituel.
En invoquant l'assistance divine sur tous ceux qui, poussés par le désir de contribuer à la promotion d'un avenir de justice et de paix dans le monde, dépensent leurs énergies dans le domaine de la pastorale au service de la mobilité humaine, j'envoie à tous, en gage d'affection, une Bénédiction apostolique particulière.
Du Vatican, le 18 octobre 2005
BENEDICTUS PP. XVI
MESSAGE DU PAPE BENOÎT XVI
POUR LA JOURNÉE MONDIALE DES MIGRANTS (2007)
La famille migrante
Chers frères et sœurs !
A l’occasion de la prochaine Journée Mondiale des Migrants et des Réfugiés, en contemplant la Sainte Famille de Nazareth, icône de toutes les familles, je voudrais vous inviter à réfléchir sur la condition de la famille migrante. L’évangéliste Matthieu raconte que, peu de temps après la naissance de Jésus, Joseph fut contraint de partir de nuit pour l’Egypte, emmenant avec lui l’enfant et sa mère, afin de fuir la persécution du roi Hérode (cf. Mt 2, 13-15). En commentant cette page évangélique, mon vénéré Prédécesseur, le Serviteur de Dieu le Pape Pie XII, écrivit en 1952 : « La famille de Nazareth en exil, Jésus, Marie et Joseph émigrés et réfugiés en Egypte, pour se soustraire à l’ire d’un roi impie, sont le modèle, l’exemple et le soutien de tous les migrants et les pèlerins de tous âges et de tous pays, de tous les réfugiés de quelque condition qu’ils soient et qui, harcelés par la persécution ou par le besoin, se voient contraints d’abandonner leur patrie, les chers membres de leur famille, leurs voisins, leurs doux amis, et de se rendre en terre étrangère » (Exsul familia, AAS 44, 1952, 649). Dans le drame de la Famille de Nazareth, obligée de se réfugier en Egypte, nous entrevoyons la douloureuse condition de tous les migrants, en particulier des réfugiés, des exilés, des dispersés, des déplacés internes et des persécutés. Nous entrevoyons les difficultés de chaque famille de migrants, les privations, les humiliations, les restrictions et la fragilité de millions et de millions de migrants, de déplacés internes et de réfugiés. La Famille de Nazareth reflète l’image de Dieu conservée dans le cœur de chaque famille humaine, bien que défigurée et affaiblie par l’émigration.
Le thème de la prochaine Journée Mondiale des Migrants et des Réfugiés – La famille migrante – se situe dans la continuité avec ceux de 1980, 1986 et 1993, et entend souligner une fois de plus l’engagement de l’Eglise en faveur non seulement de l’individu qui migre, mais aussi de sa famille, lieu et ressource de la culture de la vie et facteur d’intégration des valeurs. Nombreuses sont les difficultés que rencontre la famille du migrant. L’éloignement de ses membres entre eux et l’impossibilité de se réunir sont souvent des occasions de rupture des liens d’origine. De nouveaux rapports s’instaurent et de nouvelles affections naissent ; on oublie le passé et ses devoirs, soumis à dure épreuve par l’éloignement et la solitude. Si une réelle possibilité d’insertion et de participation n’est pas assurée à la famille immigrée, il devient difficile de prévoir son développement harmonieux. La Convention Internationale pour la protection des droits de tous les travailleurs immigrés et des membres de leurs familles, entrée en vigueur le 1er juillet 2003, entend protéger les travailleurs et les travailleuses émigrés et les membres de leurs familles respectives. La valeur de la famille est donc également reconnue pour ce qui est de l’émigration, phénomène désormais structurel de nos sociétés. L’Eglise encourage la ratification des instruments internationaux légaux visant à défendre les droits des migrants, des réfugiés et de leurs familles, et offre, par le biais de ses diverses Institutions et Associations, une advocacy qui devient toujours plus nécessaire. C’est à cette fin qu’ont été ouverts des centres d’écoute des migrants, des maisons pour les accueillir, des bureaux pour les services à rendre aux personnes et aux familles, et que d’autres initiatives ont vu le jour pour répondre aux exigences croissantes en ce domaine.
Beaucoup se fait déjà pour l’intégration des familles des immigrés, même si beaucoup reste encore à faire. Il existe des difficultés effectives liées à certains “mécanismes de défense” de la première génération d’immigrés, qui risquent de constituer un obstacle à une maturation plus profonde des jeunes de la seconde génération. Voilà pourquoi il devient nécessaire d’adopter des mesures législatives, juridiques et sociales pour faciliter une telle intégration. Ces derniers temps, le nombre de femmes quittant leur pays d’origine, en quête de meilleures conditions de vie, en vue de perspectives professionnelles plus prometteuses, a augmenté. Toutefois, bien des femmes finissent par devenir victimes du trafic d’êtres humains et de la prostitution. En œuvrant à la réunion des familles, les travailleurs sociaux, en particulier les religieuses, peuvent rendre un service de médiation apprécié et toujours davantage valorisé.
Concernant l’intégration des familles des immigrés, je ressens le devoir d’attirer l’attention sur les familles des réfugiés dont les conditions semblent avoir empiré par rapport au passé, notamment en ce qui s’agit la réunion des foyers familiaux. Dans les camps qui leur sont destinés vient parfois s’ajouter, aux difficultés logistiques et aux difficultés personnelles liées aux traumatismes et au stress émotionnel, dus aux tragiques expériences vécues, le risque de l’implication des femmes et des enfants dans l’exploitation sexuelle, comme mécanisme de survie. Dans ces cas-là, en plus d’une assistance capable d’apaiser les blessures du cœur, une présence pastorale attentive est nécessaire pour offrir un soutien de la part de la communauté chrétienne, capable de rétablir la culture du respect et de faire redécouvrir la véritable valeur de l’amour. Il faut encourager ceux qui sont détruits intérieurement à retrouver la confiance en eux-mêmes. Il faut ensuite œuvrer pour que soient garantis les droits et la dignité des familles et qu’un logement répondant à leurs exigences leur soit assuré. Il faut d’autre part demander aux réfugiés de cultiver une attitude ouverte et positive à l’égard de la société qui les accueille, en conservant une disponibilité active vis-à-vis des propositions de participation visant à construire ensemble une communauté intégrée qui soit la “ maison commune ” de tous.
Parmi les migrants, une catégorie mérite d’être considérée d’une façon spéciale : celle des étudiants d’autres pays, qui se retrouvent loin de chez eux, sans une connaissance adéquate de la langue, parfois privés d’amitié et disposant souvent de bourses d’études insuffisantes. Leur condition devient plus grave encore lorsqu’il s’agit d’étudiants mariés. A travers ses Institutions, l’Eglise s’efforce de rendre moins douloureux le manque de soutien familial de ces jeunes étudiants et les aide à s’intégrer dans les villes qui les accueillent, en les mettant en contact avec des familles prêtes à les héberger et à faciliter la connaissance réciproque. Comme j’ai déjà eu l’opportunité de le dire en une autre occasion, venir en aide aux étudiants étrangers « représente pour l’Eglise un domaine d’action pastorale important. En effet, les jeunes qui quittent leur pays en raison de leurs études vont au-devant d’un certain nombre de problèmes et surtout du risque d’une crise d’identité » (L’Osservatore Romano, 15 décembre 2005).
Chers frères et sœurs, puisse la Journée Mondiale des Migrants et des Réfugiés devenir une occasion pour sensibiliser les Communautés ecclésiales et l’opinion publique sur les besoins et les problèmes, ainsi que sur les potentialités positives des familles migrantes. Je tourne en particulier ma pensée vers ceux qui sont directement touchés par le vaste phénomène des migrations et vers ceux qui dépensent leurs énergies pastorales au service de la mobilité humaine. Que la parole de l’apôtre Paul : « caritas Christi urget nos » (2 Co 5, 14) les incite à se donner de préférence aux frères et sœurs qui sont davantage dans le besoin. Avec ces sentiments, j’invoque sur chacun l’assistance divine et j’accorde affectueusement à tous une spéciale Bénédiction Apostolique.
Du Vatican, 18 octobre 2006
BENEDICTUS PP. XVI
MESSAGE DU PAPE BENOÎT XVI POUR LA JOURNÉE MONDIALE
DU MIGRANT ET DU RÉFUGIÉ (13 janvier 2008)
Les jeunes migrants
Chers frères et sœurs,
Le thème de la Journée Mondiale du Migrant et du Réfugié invite cette année à réfléchir en particulier sur les jeunes migrants. En effet, les chroniques quotidiennes parlent souvent d’eux. Le vaste processus actuel de globalisation dans le monde porte avec lui une exigence de mobilité qui pousse notamment de nombreux jeunes à émigrer et à vivre loin de leurs familles et de leurs pays.
La conséquence en est que c’est souvent la jeunesse dotée des meilleures ressources intellectuelles qui quitte son pays d’origine, tandis que les règles en vigueur dans les pays qui reçoivent les migrants rendent difficiles leur insertion effective. De fait, le phénomène de l’émigration s’étend toujours davantage et touche un nombre croissant de personnes de toute condition sociale. A juste titre, par conséquent, les institutions publiques, les organisations humanitaires, ainsi que l’Eglise catholique, consacrent beaucoup de leurs ressources pour venir en aide à ces personnes en difficulté.
Les jeunes migrants ressentent particulièrement la problématique constituée par ce qu’on appelle la « difficulté de la double appartenance » : d’un côté, ils ressentent vivement le besoin de ne pas perdre leur culture d’origine, tandis que, de l’autre, émerge en eux le désir de s’insérer de façon organique dans la société qui les accueille, sans que cela comporte toutefois une assimilation complète, ni la perte des traditions ancestrales qui en découle. Parmi les jeunes, les filles sont plus facilement victimes de l’exploitation, de chantages moraux et même de toute sorte d’abus. Que dire, par ailleurs, des adolescents et des mineurs non accompagnés, qui constituent une catégorie à risque parmi ceux qui demandent l’asile ? Ces garçons et filles finissent souvent dans la rue, livrés à eux-mêmes et la proie de ceux qui les exploitent sans scrupules et, bien souvent, les transforment en objet de violence physique, morale et sexuelle.
Si l’on regarde ensuite de plus près le secteur des migrants forcés, des réfugiés et des victimes du trafic d’êtres humains, nous y rencontrons hélas aussi de nombreux enfants et adolescents. A ce propos, il est impossible de se taire face aux images bouleversantes des grands camps de réfugiés présents dans les diverses parties du monde. Comment ne pas penser que ces petits êtres sont venus au monde avec les mêmes attentes légitimes de bonheur que les autres ? Et, en même temps, comment ne pas rappeler l’importance fondamentale que revêtent les phases de l’enfance et de l’adolescence pour le développement de l’homme et de la femme, et qu’elles requièrent stabilité, sérénité et sécurité ? Ces enfants et ces adolescents n’ont connu comme unique expérience de vie que les « camps » de séjour obligatoire, où ils se trouvent relégués, loin des villes et sans pouvoir aller à l’école d’une façon normale. Comment peuvent-ils considérer leur avenir avec confiance ? S’il est vrai que l’on est en train de faire beaucoup pour eux, il faut toutefois s’engager davantage encore pour les aider à travers la création de structures d’accueil et de formation adéquates.
Dans cette perspective, précisément, la question se pose : comment répondre aux attentes des jeunes migrants ? Que faire pour leur venir en aide ? Il faut certes viser en premier lieu au soutien de la famille et de l’école. Mais combien sont complexes les situations et nombreuses les difficultés que rencontrent ces jeunes dans leurs contextes familiaux et scolaires ! Au sein des familles, les rôles traditionnels qui existaient dans les pays d’origine ont disparu et l’on assiste souvent à un conflit entre parents demeurés ancrés dans leur culture et enfants rapidement acculturés dans les nouveaux contextes sociaux. Il ne faut pas sous-évaluer non plus la difficulté que rencontrent les jeunes pour s’insérer dans les parcours éducatifs en vigueur dans les pays où ils sont accueillis. Le système scolaire lui-même devrait donc tenir compte de leurs conditions et prévoir pour les jeunes immigrés des itinéraires d’intégration spécifiques adaptés à leurs exigences. Il sera également important de s’efforcer de créer dans les salles de classe un climat de respect réciproque et de dialogue entre tous les élèves, sur la base des principes et des valeurs universels qui sont communs à toutes les cultures. Les efforts de tous – professeurs, familles et étudiants – contribueront certainement à aider les jeunes migrants à affronter de la meilleure façon le défi de l’intégration et leur offriront la possibilité d’acquérir ce qui peut profiter à leur formation humaine, culturelle et professionnelle. Ceci vaut encore plus en ce qui concerne les jeunes réfugiés pour lesquels il faudra préparer des programmes appropriés dans le cadre scolaire et dans le cadre du travail, de façon à garantir leur préparation en fournissant les bases nécessaires à une insertion correcte dans ce nouveau monde social, culturel et professionnel.
L’Eglise regarde avec une attention particulière le monde des migrants et demande à ceux qui ont reçu une formation chrétienne dans leurs pays d’origine de faire fructifier ce patrimoine de foi et de valeurs évangéliques de façon à offrir un témoignage cohérent dans les différents contextes existentiels. A cette fin précisément, j’invite les communautés ecclésiales d’arrivée à accueillir avec sympathie les jeunes et très jeunes avec leurs parents, en cherchant à comprendre leurs vicissitudes et à favoriser leur insertion. Il existe, par ailleurs, parmi les migrants, comme je l’ai écrit dans mon Message de l’an dernier, une catégorie à considérer d’une façon spéciale, à savoir celle des étudiants d’autres pays qui, pour des raisons d’études, se trouvent loin de chez eux. Leur nombre est en augmentation croissante : ces jeunes ont besoin d’une pastorale spécifique, car ce ne sont pas seulement des étudiants, comme tous les autres, mais aussi des migrants temporaires. Ils se sentent souvent seuls, sous la pression des études et parfois cernés aussi par des difficultés économiques. L’Eglise, dans sa sollicitude maternelle, les considère avec affection et cherche à mettre en œuvre des interventions pastorales et sociales spécifiques, qui tiennent compte des grandes ressources de leur jeunesse. Il faut faire en sorte qu’ils aient la possibilité de s’ouvrir au dynamisme de l’interculturalité, en s’enrichissant au contact des autres étudiants de cultures et de religions différentes. Pour les jeunes chrétiens, cette expérience d’étude et de formation peut être un domaine utile de maturation de leur foi, stimulée à s’ouvrir à l’universalisme qui est un élément constitutif de l’Eglise catholique.
Chers jeunes migrants, préparez-vous à construire, aux côtés des jeunes gens de votre âge, une société plus juste et fraternelle, en accomplissant scrupuleusement et sérieusement vos devoirs vis-à-vis de vos familles et de l’Etat. Soyez respectueux des lois et ne vous laissez jamais emporter par la haine et la violence. Cherchez plutôt à être dès à présent les artisans d’un monde où règnent la compréhension et la solidarité, la justice et la paix. A vous, en particulier, jeunes croyants, je demande de profiter de la période de vos études pour grandir dans la connaissance et dans l’amour du Christ. Jésus veut que vous soyez ses vrais amis et, pour cela, il est nécessaire que vous cultiviez constamment une intime relation avec lui dans la prière et dans l’écoute docile de sa Parole. Il veut que vous soyez ses témoins et, pour cela, il est nécessaire que vous vous engagiez à vivre courageusement l’Evangile, en le traduisant en gestes concrets d’amour de Dieu et de service généreux des frères. L’Eglise a aussi besoin de vous et compte sur votre apport. Vous pouvez jouer un rôle extrêmement providentiel dans le contexte actuel de l’évangélisation. Provenant de cultures diverses, mais ayant tous en commun l’appartenance à l’unique Eglise du Christ, vous pouvez montrer que l’Evangile est vivant et adapté à chaque situation ; c’est un message authentique et toujours nouveau ; Parole d’espérance et de salut pour les hommes de toute race et culture, de tout âge et de toute époque.
A Marie, Mère de l’humanité tout entière, et à Joseph, son très chaste époux, tous deux réfugiés avec Jésus en Egypte, je confie chacun de vous, vos familles, tous ceux qui s’occupent de différentes façons de votre vaste monde de jeunes migrants, les volontaires et les agents pastoraux qui sont proches de vous par leur disponibilité et leur soutien amical. Que le Seigneur soit toujours à vos côtés et aux côtés de vos familles, afin qu’ensemble vous puissiez surmonter les obstacles et les difficultés matérielles et spirituelles que vous rencontrez sur votre chemin. J’accompagne ces vœux d’une Bénédiction Apostolique spéciale pour chacun d’entre vous et pour les personnes qui vous sont chères.
Du Vatican, le 18 octobre 2007
BENEDICTUS PP. XVI
MESSAGE DU PAPE BENOÎT XVI POUR LA JOURNÉE MONDIALE
DU MIGRANT ET DU RÉFUGIÉ (2009)
Saint Paul migrant, Apôtre des Peuples
Chers frères et sœurs,
Cette année, le message pour la Journée Mondiale du Migrant et du Réfugié a pour thème: «Saint Paul migrant, Apôtre des Peuples», et s'inspire de l'heureuse coïncidence de l'Année jubilaire que j'ai institué en l'honneur de l'Apôtre à l'occasion du deuxième millénaire de sa naissance. La prédication et l'œuvre de méditation entre les différentes cultures et l'Evangile, œuvre de Paul «migrant par vocation», constituent en effet également un point de référence important pour celui qui se trouve impliqué dans le mouvement migratoire contemporain.
Né dans une famille de juifs émigrés à Tarse de Cilicie, Saul fut éduqué dans la langue et la culture juive et hellénistique, en valorisant le contexte culturel romain. Après que, sur la route de Damas, survint sa rencontre avec le Christ (cf. Ga 1, 13-16), sans nier ses propres «traditions» et en nourrissant son estime et sa gratitude pour le Judaïsme et la Loi (cf. Rm 9, 1-5; 10,1; 2 Co 11, 22; Ga 1, 13-14; Ph 3, 3-6), il se dévoua sans hésitations ni tergiversations à sa nouvelle mission avec courage et enthousiasme, docile au commandement du Seigneur: «Va; c'est au loin, vers les païens, que moi, je veux t'envoyer» (Ac 22, 21). Son existence changea radicalement (cf. Ph 3, 7-11): Jésus devint pour lui sa raison d'être et le motif d'inspiration de son engagement apostolique au service de l'Evangile. De persécuteur des chrétiens il devint apôtre du Christ.
Guidé par l'Esprit Saint, il se prodigua sans réserve, afin que l'Evangile qui est «une force de Dieu pour le salut de tout homme qui croit, du Juif d'abord, puis du Grec» (Rm 1, 16) fût annoncé à tous, sans distinctions de nationalité et de culture. Dans ses voyages apostoliques, malgré des oppositions répétées, il proclamait l'Evangile d'abord dans les synagogues, en accordant avant tout une attention à ses compatriotes en exil (cf. Ac 18, 4-6). Si ceux-ci le rejetaient, il s'adressait aux païens, en se faisant un «authentique missionnaire des migrants», migrant lui-même et ambassadeur itinérant de Jésus Christ, pour inviter chacun à devenir, dans le Fils de Dieu, «une nouvelle créature» (2 Co 5,17).
La proclamation du kérygme lui fit traverser les mers du Proche-Orient et parcourir les routes de l'Europe, jusqu'à atteindre Rome. Il partit d'Antioche, où l'Evangile fut annoncé à des populations n'appartenant pas au judaïsme, et où les disciples de Jésus furent pour la première fois appelés «chrétiens» (cf. Ac 11, 20.26). Sa vie et sa prédication furent totalement dédiées à faire connaître et aimer Jésus de tous, parce qu'en Lui tous les peuples sont appelés à devenir un seul peuple.
Cela est, aujourd'hui également, à l'heure de la mondialisation, la mission de l'Eglise et de tous les baptisés; mission qui, par un soin pastoral attentif, se tourne aussi vers l'univers bigarré des migrants — étudiants non résidents, immigrés, réfugiés, personnes déplacées — en incluant ceux qui sont victimes des esclavages modernes, comme par exemple le trafic des êtres humains. Aujourd'hui aussi le message du salut doit être proposé avec la même attitude que l'Apôtre des nations, en tenant compte des différentes situations sociales et culturelles, et des difficultés particulières de chacun qui découlent de la condition de migrant et d'itinérant. Je forme le vœu que toutes les communautés chrétiennes puissent nourrir la même ferveur apostolique que saint Paul qui, pour annoncer à tous l'amour salvifique du Père (Rm 8, 15; Ga 4, 6) afin «de gagner le plus grand nombre» (1 Co 9, 19) se fit «faible avec les faibles (...) tous à tous, afin d'en sauver à tout prix quelques-uns» (1 Co 9, 22). Que son exemple soit pour nous aussi un encouragement à nous faire solidaires de ces frères et sœurs et à promouvoir, partout dans le monde et par tous les moyens, la coexistence pacifique entre les ethnies, les cultures et les religions différentes.
Mais quel fut le secret de l'Apôtre des nations? Le zèle missionnaire et la fougue du combattant, qui le caractérisaient, provenaient du fait que lui-même, «saisi par le Christ Jésus» (Ph 3, 12), lui demeura si intimement uni qu'il se sentît prendre part à sa propre vie, à travers «la communion à ses souffrances» (Ph 3, 10; cf. également Rm 8, 17; 2 Co 4, 8-12; Col 1, 24). C'est là qu'est la source de l'ardeur apostolique de saint Paul, lequel raconte: «Celui qui dès le sein maternel m'a mis à part et appelé par sa grâce divine daigna révéler en moi son Fils pour que je l'annonce parmi les païens» (Ga 1, 15-16; cf. également Rm 15, 15-16). Il se sentit «Crucifié avec le Christ», au point de pouvoir affirmer: «Ce n'est plus moi qui vit mais le Christ qui vit en moi» (Ga 2, 20). Et aucune difficulté ne l'empêcha de poursuivre dans sa courageuse action évangélisatrice dans des villes cosmopolites comme Rome et Corinthe qui, à cette époque, étaient peuplées d'une mosaïque d'ethnies et de cultures.
En lisant les Actes des Apôtres et les Lettres que Paul adresse à différents destinataires, on saisit un modèle d'Eglise non exclusive, et même ouverte à tous, formée par des croyants sans distinction de culture et de race: chaque baptisé est, en effet, membre vivant de l'unique Corps du Christ. Dans cette optique, la solidarité fraternelle, qui se traduit en gestes quotidiens de partage, de coparticipation et d'attention joyeuse aux autres, acquiert un profil singulier. Il n'est cependant pas possible de réaliser cette dimension d'accueil fraternel réciproque, nous enseigne toujours saint Paul, sans la disponibilité à l'écoute et à l'accueil de la Parole prêchée et pratiquée (cf. 1 Th 1, 6), Parole qui invite tout le monde à imiter le Christ (cf. Ep 5, 1-2) à l'image de l'Apôtre (cf. 1 Co 11, 1). Aussi, plus la communauté est unie au Christ, plus elle est invitée à l'égard du prochain, en fuyant les préjugés, le mépris et le scandale, et en s'ouvrant à l'accueil réciproque (cf. Rm 14, 1-3; 15, 17). Conformés au Christ, les croyants se sentent en Lui «frères», fils du même Père (Rm 8, 14-16; Gal 3, 26; 4, 6). Ce trésor de fraternité les rend «avides de donner l'hospitalité» (Rm 12, 13), qui est la première fille de l'agapè (cf. 1 Tm 3, 2; 5, 10; Tt 1, 8; Phm 17).
On réalise de cette manière la promesse du Seigneur: «Je vous accueillerai. Je serai pour vous un père, et vous serez pour moi des fils et des filles» (2 Co 6, 17-18). Si nous sommes conscients de cela, comment ne pas prendre en charge ceux qui, en particulier parmi les réfugiés et les personnes déplacées, se trouvent dans des conditions difficiles et malaisées? Comment ne pas remédier aux besoins de celui qui est, de fait, plus faible et sans défense, marqué par la précarité et l'insécurité, marginalisé, et souvent exclus de la société? On leur doit une attention plus grande parce que, pour paraphraser un texte paulinien bien connu, «Dieu a choisi ce qu'il y a de fou dans le monde pour confondre les sages, ce qui dans le monde est sans naissance et ce que l'on méprise et ce qui n'est pas pour réduire à rien ce qui est, afin qu'aucune chair n'aille se glorifier devant Dieu» (1 Co 1, 27-29).
Chers frères et sœurs, que la Journée Mondiale du Migrant et du Réfugié, qui sera célébrée le 18 janvier 2009, soit pour tous un encouragement à vivre pleinement l'amour fraternel sans distinction de genre et sans discriminations, dans la conviction que quiconque a besoin de nous et que nous pouvons aider est notre prochain (cf. Deus caritas est, n. 15). Que l'enseignement et l'exemple de Saint Paul, humble grand Apôtre et migrant, évangélisateur des peuples et des cultures, nous encouragent à comprendre que la pratique de la charité constitue le sommet et la synthèse de toute la vie chrétienne. Le commandement de l'amour — nous le savons bien — se nourrit quand les disciples du Christ participent unis à l'Eucharistie qui est, par excellence, le Sacrement de la fraternité et de l'amour. Et de même que Jésus au cénacle, unit le commandement nouveau de l'amour fraternel au don de l'Eucharistie, de même ses «amis», en suivant les traces du Christ, qui s'est fait «serviteur» de l'humanité, et soutenus par sa Grâce, ne peuvent que se dévouer au service réciproque, en se soutenant les uns les autres selon ce que saint Paul recommanda: «Portez les fardeaux les uns des autres et accomplissez ainsi la loi du Christ» (Ga 6, 2). Ce n'est que de cette manière que grandit l'amour entre les croyants et envers tout le monde (cf. 1 Th 3, 12).
Chers frères et sœurs, ne nous lassons pas de proclamer et de témoigner cette «Bonne Nouvelle» avec enthousiasme, sans peur et sans économiser notre énergie! Tout le message évangélique est contenu dans l'amour et les disciples authentiques du Christ se reconnaissent par leur amour mutuel et par leur accueil à l'égard de tous. Que l'Apôtre Paul nous obtienne ce don, mais surtout Marie, Mère de l'accueil et de l'amour. Tandis que j'invoque la protection divine sur ceux qui sont engagés dans l'aide aux migrants et, plus généralement, sur le vaste monde de l'émigration, j'assure à chacun un rappel constant dans la prière et j’accorde affectueusement à tous la Bénédiction apostolique.
De Castelgandolfo, le 24 août 2008
BENEDICTUS PP. XVI
MESSAGE DU PAPE BENOÎT XVI POUR LA JOURNÉE MONDIALE
DU MIGRANT ET DU RÉFUGIÉ (2010)
Les migrants et les réfugiés mineurs
Chers frères et sœurs,
La célébration de la Journée mondiale du migrant et du réfugié m'offre à nouveau l'occasion de manifester la sollicitude constante que l'Eglise nourrit à l'égard de ceux qui vivent, de différentes façons, l'expérience de l’émigration. Il s'agit d'un phénomène qui, comme je l'ai écrit dans l'encyclique Caritas in veritate, impressionne en raison du nombre de personnes concernées, des problématiques sociales, économiques, politiques, culturelles et religieuses qu'il soulève, des défis dramatiques qu'il présente aux communautés nationales et à celle internationale. Le migrant est une personne humaine avec des droits fondamentaux inaliénables, qui doivent toujours être respectés par tous (cf. n. 62). Le thème de cette année — « Les migrants et les réfugiés mineurs » — touche un aspect que les chrétiens considèrent avec une profonde attention, se souvenant de l'avertissement du Christ, qui, lors du jugement dernier, considérera comme se référant à lui tout ce qui a été fait ou nié « à un seul de ces plus petits » (cf. Mt 25, 40.45). Et comment ne pas considérer parmi les « plus petits » également les mineurs migrants et réfugiés? Jésus lui-même, lorsqu'il était enfant, a vécu l'expérience du migrant car, comme le rapporte l'Evangile, pour fuir aux menaces d'Hérode, il dut se réfugier en Egypte avec Joseph et Marie (cf. Mt 2, 14).
Si la Convention des droits de l'enfant affirme clairement qu'il faut toujours protéger l'intérêt du mineur (cf. art. 3), auquel doivent être reconnus les droits fondamentaux de la personne au même titre que l'adulte, malheureusement, dans la réalité, cela n'est pas toujours le cas. En effet, tandis que croît dans l'opinion publique la conscience de la nécessité d'une action ponctuelle et incisive pour protéger les mineurs, dans les faits, un grand nombre d'entre eux sont laissés à l'abandon, et se retrouvent de diverses façons exposés au risque de l'exploitation. Mon vénéré prédécesseur Jean-Paul II s'est fait l'interprète de la condition dramatique dans laquelle ils se trouvent, dans le message envoyé le 22 septembre 1990 au secrétaire général des Nations unies, à l'occasion du Sommet mondial pour les Enfants. « Je suis témoin — écrivit-il — de la condition bouleversante de millions d'enfants dans tous les continents. Ils sont très vulnérables parce qu'ils sont les moins capables de faire entendre leur voix » (Insegnamenti, XIII, 1990, p. 672). Je souhaite de tout cœur que l'on réserve la juste attention aux migrants mineurs, qui ont besoin d'un milieu social qui permette et favorise leur développement physique, culturel, spirituel et moral. Vivre dans un pays étranger sans points de référence effectifs leur crée, en particulier à ceux qui sont privés du soutien de la famille, d'innombrables et parfois graves problèmes et difficultés.
Un aspect propre à la migration des mineurs est constitué par la situation des jeunes nés dans les pays d'accueil ou de celle des enfants qui ne vivent pas avec leurs parents émigrés après leur naissance, mais qui les rejoignent par la suite. Ces adolescents font partie de deux cultures avec les avantages et les problématiques liés à leur double appartenance, une condition qui offre toutefois la possibilité de faire l'expérience de la richesse de la rencontre entre différentes traditions culturelles. Il est important qu'il leur soit donnée la possibilité de fréquenter l'école et de s'insérer ensuite dans le monde du travail, et que l'on facilite leur intégration sociale grâce à des structures éducatives et sociales adéquates. Il ne faut jamais oublier que l'adolescence représente une étape fondamentale pour la formation de l'être humain.
Une catégorie particulière de mineurs est celle des réfugiés qui demandent l'asile, fuyant pour diverses raisons leur pays, où ils ne reçoivent pas de protection adéquate. Les statistiques révèlent que leur nombre est en augmentation. Il s'agit donc d'un phénomène qu'il faut étudier avec attention et affronter à travers des actions coordonnées, des mesures de prévention, de protection et d'accueil appropriées, selon ce que prévoit également la Convention des droits de l'Enfant elle-même (cf. art. 22).
Je m'adresse à présent en particulier aux paroisses et aux nombreuses associations catholiques qui, animées par un esprit de foi et de charité, accomplissent de grands efforts pour répondre aux nécessités de nos frères et sœurs. Tandis que j'exprime ma gratitude pour ce qui est accompli avec une grande générosité, je voudrais inviter tous les chrétiens à prendre conscience du défi social et pastoral que représente la condition des mineurs migrants et réfugiés. Dans notre cœur retentissent à nouveau les paroles de Jésus: « J'étais un étranger et vous m'avez accueilli » (Mt 25, 35), ainsi que le commandement central qu'Il nous a laissé: aimer Dieu de tout notre cœur, de toute notre âme et de tout notre esprit, mais uni à l'amour du prochain (cf. Mt 22, 37-39). Cela nous conduit à considérer que chacune de nos interventions concrètes doit se nourrir avant tout de foi dans l'action de la grâce et de la Providence divine. De cette façon, l'accueil et la solidarité envers l'étranger, en particulier s'il s'agit d'enfants, devient également annonce de l'Evangile de la solidarité. L'Eglise le proclame lorsqu'elle ouvre ses bras et œuvre afin que soient respectés les droits des migrants et des réfugiés, en encourageant les responsables des nations, des organisations et des institutions internationales, afin qu'ils promeuvent des initiatives en leur faveur. Que la bienheureuse Vierge Marie veille maternellement sur tous et qu'elle nous aide à comprendre les difficultés de ceux qui sont loin de leur patrie. J'assure de ma prière tous ceux qui sont engagés dans le vaste monde des migrants et des réfugiés, et je donne de tout cœur ma Bénédiction apostolique.
Du Vatican, le 16 octobre 2009
BENEDICTUS PP. XVI
MESSAGE DU PAPE BENOÎT XVI POUR LA JOURNÉE MONDIALE
DU MIGRANT ET DU RÉFUGIÉ (2011)
« Une seule famille humaine »
Chers frères et sœurs,
La Journée mondiale du migrant et du réfugié offre l’occasion, pour toute l’Eglise, de réfléchir sur un thème lié au phénomène croissant de la migration, de prier afin que les cœurs s’ouvrent à l’accueil chrétien et d’œuvrer afin que croissent dans le monde la justice et la charité, piliers de l’édification d’une paix authentique et durable. «Comme je vous ai aimés, vous aussi, aimez-vous les uns les autres» (Jn 13, 34) est l’invitation que le Seigneur nous adresse avec force et nous renouvelle constamment: si le Père nous appelle à être des fils bien-aimés dans son Fils préféré, il nous appelle aussi à nous reconnaître tous comme frères dans le Christ.
De ce lien profond entre tous les êtres humains découle le thème que j’ai choisi cette année pour notre réflexion: «Une seule famille humaine», une seule famille de frères et sœurs dans des sociétés qui deviennent toujours plus multiethniques et interculturelles, où les personnes de diverses religions aussi sont encouragées au dialogue, afin que l’on puisse parvenir à une coexistence sereine et fructueuse dans le respect des différences légitimes. Le Concile Vatican II affirme que «tous les peuples forment, en effet, une seule communauté; ils ont une seule origine, puisque Dieu a fait habiter tout le genre humain sur toute la face de la terre (cf. Ac 17, 26); ils ont aussi une seule fin dernière, Dieu, dont la providence, les témoignages de bonté et les desseins de salut s’étendent à tous» (Déclaration Nostra aetate, n. 1). Ainsi, «nous ne vivons pas les uns à côté des autres par hasard; nous parcourons tous un même chemin comme hommes et donc comme frères et sœurs» (Message pour la Journée mondiale de la Paix 2008, n. 6).
Le chemin est le même, celui de la vie, mais les situations que nous traversons sur ce parcours sont différentes: beaucoup de personnes doivent affronter l’expérience difficile de la migration, dans ses différentes expressions: intérieures ou internationales, permanentes ou saisonnières, économiques ou politiques, volontaires ou forcées. Dans divers cas, le départ de son propre pays est provoqué par différentes formes de persécutions, de sorte que la fuite devient nécessaire. De plus, le phénomène même de la mondialisation, caractéristique de notre époque, n’est pas seulement un processus socio-économique, mais comporte également «une humanité qui devient de plus en plus interconnectée», dépassant les frontières géographiques et culturelles. A ce propos, l’Eglise ne cesse de rappeler que le sens profond de ce processus historique et son critère éthique fondamental découlent précisément de l’unité de la famille humaine et de son développement dans le bien (cf. Benoît XVI, Enc. Caritas in veritate, n. 42). Tous, appartiennent donc à une unique famille, migrants et populations locales qui les accueillent, et tous ont le même droit de bénéficier des biens de la terre, dont la destination est universelle, comme l’enseigne la doctrine sociale de l’Eglise. C’est ici que trouvent leur fondement la solidarité et le partage.
«Dans une société en voie de mondialisation, le bien commun et l’engagement en sa faveur ne peuvent pas ne pas assumer les dimensions de la famille humaine tout entière, c’est-à-dire de la communauté des peuples et des Nations, au point de donner forme d’unité et de paix à la cité des hommes, et d’en faire, en quelque sorte, la préfiguration anticipée de la cité sans frontières de Dieu» (Benoît XVI, Enc. Caritas in veritate, n. 7). Telle est la perspective dans laquelle il faut considérer également la réalité des migrations. En effet, comme l’observait déjà le Serviteur de Dieu Paul VI, «le manque de fraternité entre les hommes et entre les peuples» est la cause profonde du sous-développement (Enc. Populorum progressio, n. 66) et — pouvons-nous ajouter — il influe fortement sur le phénomène migratoire. La fraternité humaine est l’expérience, parfois surprenante, d’une relation qui rapproche, d’un lien profond avec l’autre, différent de moi, fondé sur le simple fait d’être des hommes. Assumée et vécue de façon responsable, elle alimente une vie de communion et de partage avec tous, en particulier avec les migrants; elle soutient le don de soi aux autres, en vue de leur bien, du bien de tous, dans la communauté politique locale, nationale et mondiale.
Le vénérable Jean-Paul II, à l’occasion de cette même journée célébrée en 2001, souligna que «[le bien commun universel] englobe toute la famille des peuples, au-dessus de tout égoïsme nationaliste. C'est dans ce contexte qu'il faut considérer le droit à émigrer. L’Eglise reconnaît ce droit à tout homme, sous son double aspect: possibilité de sortir de son pays et possibilité d'entrer dans un autre pays à la recherche de meilleures conditions de vie» (Message pour la Journée mondiale des migrations 2001, n. 3; cf. Jean XXIII, Enc. Mater et Magistra, n. 30; Paul VI, Enc. Octogesima adveniens, n. 17). Dans le même temps, les Etats ont le droit de réglementer les flux migratoires et de défendre leurs frontières, en garantissant toujours le respect dû à la dignité de chaque personne humaine. En outre, les immigrés ont le devoir de s’intégrer dans le pays d’accueil, en respectant ses lois et l’identité nationale. «Il faudra alors concilier l'accueil qui est dû à tous les êtres humains, spécialement aux indigents, avec l'évaluation des conditions indispensables à une vie digne et pacifique pour les habitants originaires du pays et pour ceux qui viennent les rejoindre» (Jean-Paul II, Message pour la Journée mondiale de la paix 2001, n. 13).
Dans ce contexte, la présence de l’Eglise comme peuple de Dieu en chemin dans l’histoire parmi tous les autres peuples, est une source de confiance et d’espérance. En effet, l’Eglise est «dans le Christ, en quelque sorte le sacrement, c’est-à-dire à la fois le signe et le moyen de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain» (Conc. Œcum. Vatican II, Const. dogm. Lumen gentium, n. 1); et, grâce à l’action de l’Esprit Saint en elle, «l’effort qui tend à instaurer une fraternité universelle n’est pas vain» (ibid., Const. apost. Gaudium et spes, n. 38). C’est de façon particulière la sainte Eucharistie qui constitue, dans le cœur de l’Eglise, une source inépuisable de communion pour l’humanité tout entière. Grâce à elle, le Peuple de Dieu embrasse «toutes nations, races, peuples et langues» (Ap 7, 9) non pas à travers une sorte de pouvoir sacré, mais à travers le service supérieur de la charité. En effet, l’exercice de la charité, en particulier à l’égard des plus pauvres et faibles, est un critère qui prouve l’authenticité des célébrations eucharistiques (cf. Jean-Paul II, Lett. apost. Mane nobiscum Domine, n. 28).
C’est à la lumière du thème «une seule famille», qu’il faut considérer de façon spécifique la situation des réfugiés et des autres migrants forcés, qui représentent une part importante du phénomène migratoire. A l’égard de ces personnes, qui fuient les violences et les persécutions, la Communauté internationale a pris des engagements précis. Le respect de leurs droits, ainsi que des justes préoccupations pour la sécurité et la cohésion sociale, favorisent une coexistence stable et harmonieuse.
Dans le cas des migrants forcés également, la solidarité se nourrit de la «réserve» d’amour qui naît du fait de se considérer comme une seule famille humaine et, pour les fidèles catholiques, membres du Corps mystique du Christ: nous dépendons en effet tous les uns des autres, nous sommes tous responsables de nos frères et sœurs en humanité, et, pour ceux qui croient, dans la foi. Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, «accueillir les réfugiés et leur accorder l'hospitalité représente pour tous un geste juste de solidarité humaine, afin que ces derniers ne se sentent pas isolés à cause de l'intolérance et du manque d'intérêt» (Audience générale, 20 juin 2007: Insegnamenti II, 1 (2007), 1158). Cela signifie qu’il faudra aider ceux qui sont contraints de quitter leurs maisons ou leur terre à trouver un lieu où ils pourront vivre dans la paix et la sécurité, travailler et assumer les droits et les devoirs existant dans le pays qui les accueille, en contribuant au bien commun, sans oublier la dimension religieuse de la vie.
Je voudrais adresser enfin une pensée particulière, toujours accompagnée par la prière, aux étudiants étrangers et internationaux, qui représentent également une réalité en croissance au sein du grand phénomène migratoire. Il s’agit d’une catégorie qui revêt elle aussi une importance sociale, dans la perspective de leur retour, en tant que futurs dirigeants, dans leurs pays d’origine. Ils constituent des «ponts culturels» et économiques entre ces pays et ceux d’accueil, et tout cela va précisément dans la direction de former «une seule famille humaine». C’est cette conviction qui doit soutenir l’engagement en faveur des étudiants étrangers et accompagner l’attention pour leurs problèmes concrets, comme les difficultés financières ou la crainte se sentir seul pour affronter un milieu social et universitaire très différent, ainsi que les difficultés d’insertion. A ce propos, je voudrais rappeler qu’«appartenir à une communauté universitaire signifie être au carrefour des cultures qui ont façonné le monde moderne» (Jean-Paul II, discours au évêques des Etats-Unis des provinces ecclésiastique de Chicago, Indianapolis et Milwaukee, en visite «ad limina Apostolorum», 30 mai 1998, 6: Insegnamenti XXI, 1 [1998], 1116). C’est à l’école et à l’Université que se forme la culture des nouvelles générations: de ces institutions dépend dans une large mesure leur capacité à considérer l’humanité comme une famille appelée à être unie dans la diversité.
Chers frères et sœurs, le monde des migrants est vaste et diversifié. Il est constitué d’expériences merveilleuses et prometteuses, ainsi que, malheureusement, de nombreuses autres, dramatiques et indignes de l’homme et de sociétés qui se qualifient de civiles. Pour l’Eglise, cette réalité constitue un signe éloquent de notre époque, qui souligne de façon encore plus évidente la vocation de l’humanité à former une seule famille et, dans le même temps, les difficultés qui, au lieu de l’unir, la divisent et la déchirent. Ne perdons pas l’espérance et prions ensemble Dieu, Père de tous, afin qu’il nous aide à être, chacun en première personne, des hommes et des femmes capables de relations fraternelles; et, sur le plan social, politique et institutionnel, afin que s’accroissent la compréhension et l’estime réciproques entre les peuples et les cultures. Avec ces vœux, en invoquant l’intercession de la Très Sainte Vierge Marie Stella Maris, j’envoie de tout cœur à tous une Bénédiction apostolique, de façon particulière aux migrants et aux réfugiés et à tous ceux qui œuvrent dans cet important domaine.
De Castel Gandolfo, le 27 septembre 2010
BENEDICTUS PP. XVI
MESSAGE DU PAPE BENOÎT XVI POUR LA JOURNÉE MONDIALE
DES MIGRANTS ET DES RÉFUGIÉS (2012)
"Migrations et nouvelle évangélisation"
Chers frères et sœurs !
Annoncer Jésus Christ unique Sauveur du monde «constitue la mission essentielle de l’Eglise, tâche et mission que les mutations vastes et profondes de la société actuelle ne rendent que plus urgentes » (Exhort. apost. Evangelii nuntiandi, n.14). Aujourd’hui, nous ressentons même l’urgence de promouvoir, avec une force nouvelle et des modalités renouvelées, l’œuvre d’évangélisation dans un monde où l’élimination des frontières et les nouveaux processus de mondialisation rendent les personnes et les peuples encore plus proches, soit grâce au développement des moyens de communication, soit grâce à la fréquence et à la facilité avec lesquelles les déplacements de personnes et de groupes sont rendus possibles. Dans cette nouvelle situation, nous devons réveiller en chacun de nous l’enthousiasme et le courage qui poussèrent les premières communautés chrétiennes à être des annonciatrices intrépides de la nouveauté évangélique, en faisant retentir dans notre cœur les paroles de saint Paul: «Annoncer l’Evangile en effet n’est pas pour moi un titre de gloire; c’est une nécessité qui m’incombe. Oui, malheur à moi si je n’annonçais pas l’Evangile !» (1 Co 9, 16).
Le thème que j’ai choisi cette année pour la Journée mondiale du Migrant et du Réfugié - « Migrations et nouvelle évangélisation » - découle de cette réalité. En effet, le moment présent appelle l’Eglise à accomplir une nouvelle évangélisation également dans le phénomène vaste et complexe de la mobilité humaine, en intensifiant l’action missionnaire tant dans les régions de première annonce que dans les pays de tradition chrétienne.
Le bienheureux Jean-Paul II nous invitait à « nous nourrir de la Parole, pour que nous soyons des “serviteurs de la Parole” dans notre mission d’évangélisation... [dans] une situation qui se fait toujours plus diversifiée et plus prenante, dans le contexte de la mondialisation et de la mosaïque nouvelle et changeante de peuples et de cultures qui la caractérise » (Lett. apost. Novo millennio ineunte, n. 40). En effet, les migrations internes ou internationales, comme issue pour rechercher de meilleures conditions de vie ou pour fuir la menace de persécutions, de guerres, de la violence, de la faim et de catastrophes naturelles, ont produit un brassage de personnes et de peuples sans précédent, avec des problématiques nouvelles non seulement d’un point de vue humain, mais également éthique, religieux et spirituel. Les conséquences actuelles et évidentes de la sécularisation, l’apparition de nouveaux mouvements sectaires, l’insensibilité diffuse à l’égard de la foi chrétienne, la nette tendance à la fragmentation, rendent difficile de se concentrer sur une référence unifiante qui encourage la formation d’ « une seule famille de frères et sœurs dans des sociétés qui deviennent toujours plus multiethniques et interculturelles, où les personnes de diverses religions aussi sont encouragées au dialogue, afin que l’on puisse parvenir à une coexistence sereine et fructueuse dans le respect des différences légitimes », comme je l’écrivais dans le Message de l’an dernier pour cette Journée mondiale. Notre époque est marquée par des tentatives d’éliminer Dieu et l’enseignement de l’Eglise de l’horizon de la vie, tandis que progressent le doute, le scepticisme et l’indifférence, qui voudraient éliminer jusqu’à toute visibilité sociale et symbolique de la foi chrétienne.
Dans ce contexte, les migrants qui ont connu le Christ et l’ont accueilli sont souvent poussés à ne plus le considérer comme étant important dans leur vie, à perdre le sens de la foi, à ne plus se reconnaître comme faisant partie de l’Eglise et conduisent souvent une existence qui n’est plus marquée par le Christ et son Evangile. Ayant grandi au sein de peuples marqués par la foi chrétienne, ils émigrent souvent dans des pays où les chrétiens constituent une minorité ou dans lesquels l’antique tradition de foi n’est plus une conviction personnelle, ni une confession communautaire, mais est réduite à un fait culturel. Là, l’Eglise est placée face au défi d’aider les migrants à maintenir solide la foi, même lorsque manque l’appui culturel qui existait dans le pays d’origine, en identifiant également de nouvelles stratégies pastorales, ainsi que des méthodes et des langages pour un accueil toujours vital de la Parole de Dieu. Dans certains cas, il s’agit d’une occasion pour proclamer qu’en Jésus Christ, l’humanité participe du mystère de Dieu et de sa vie d’amour, est ouverte à un horizon d’espérance et de paix, notamment à travers le dialogue respectueux et le témoignage concret de la solidarité, tandis que dans d’autres cas, il existe la possibilité de réveiller la conscience chrétienne assoupie, à travers une annonce renouvelée de la Bonne Nouvelle et une vie chrétienne plus cohérente, de façon à faire redécouvrir la beauté de la rencontre avec le Christ, qui appelle le chrétien à la sainteté, où qu’il soit, même en terre étrangère.
Le phénomène migratoire actuel est également une occasion providentielle pour l’annonce de l’Evangile dans le monde contemporain. Des hommes et des femmes provenant de diverses régions de la terre, qui n’ont pas encore rencontré Jésus Christ ou ne le connaissent que de façon partielle, demandent à être accueillis dans des pays d’antique tradition chrétienne. Il est nécessaire de trouver à leur égard des modalités adéquates afin qu’ils puissent rencontrer et connaître Jésus Christ et faire l’expérience du don inestimable du salut, qui est pour tous source de « vie en abondance » (cf. Jn 10, 10); les migrants eux-mêmes peuvent jouer un rôle précieux à cet égard car ils peuvent devenir à leur tour « messagers de la Parole de Dieu et des témoins de Jésus Ressuscité, espérance du monde » (Exhort. apost. Verbum Domini, n.105).
Sur l’itinéraire exigeant de la nouvelle évangélisation, dans le domaine migratoire, les agents de la pastorale - prêtres, religieux et laïcs - assument un rôle décisif et doivent œuvrer toujours plus dans un contexte pluraliste: en communion avec leurs Ordinaires, en puisant au Magistère de l’Eglise, je les invite à rechercher des chemins de partage fraternel et d’annonce respectueuse, en surmontant les oppositions et les nationalismes. Pour leur part, les Eglises d’origine, celles de transit et celles d’accueil des flux migratoires doivent savoir intensifier leur coopération, au bénéfice de ceux qui partent et de ceux qui arrivent, et, dans tous les cas, de ceux qui ont besoin de rencontrer sur leur chemin le visage miséricordieux du Christ dans l’accueil du prochain. Pour réaliser une pastorale fructueuse de communion, il pourra être utile de mettre à jour les structures traditionnelles d’attention aux migrants et aux réfugiés, en les accompagnant de modèles qui répondent mieux aux nouvelles situations dans lesquelles les cultures et les peuples divers interagissent.
Les réfugiés qui demandent asile, ayant fui les persécutions, les violences et les situations qui mettent leur vie en danger, ont besoin de notre compréhension et de notre accueil, du respect de leur dignité humaine et de leurs droits, tout comme de la prise de conscience de leurs devoirs. Leur souffrance exige de la part des Etats et de la communauté internationale des attitudes d’accueil réciproque, en surmontant les craintes et en évitant les formes de discrimination, et que l’on rende concrète la solidarité notamment à travers des structures d’accueil adéquates et des programmes de réinsertion. Tout cela comporte une aide réciproque entre les régions qui souffrent et celles qui accueillent déjà depuis des années un grand nombre de personnes en fuite, ainsi qu’un plus grand partage des responsabilités entre les Etats.
La presse et les autres moyens de communication ont un rôle important pour faire connaître de façon correcte, objective et honnête, la situation de ceux qui ont été contraints de quitter leur patrie et leurs êtres chers et qui veulent commencer à se construire une nouvelle existence.
Les communautés chrétiennes doivent accorder une attention particulière aux travailleurs migrants et à leurs familles, à travers l’accompagnement de la prière, de la solidarité et de la charité chrétienne; la valorisation de ce qui enrichit réciproquement, ainsi que la promotion de nouveaux programmes d’action politiques, économiques et sociaux, qui favorisent le respect de la dignité de chaque personne humaine, la protection de la famille, l’accès à un logement digne, à un travail et à une assistance.
Les prêtres, les religieux et les religieuses, les laïcs et surtout les jeunes hommes et femmes doivent faire preuve de sensibilité en offrant leur soutien à un grand nombre de frères et de sœurs qui, ayant fui la violence, doivent se confronter à de nouveaux styles de vie et à des difficultés d’intégration. L’annonce du salut en Jésus Christ sera une source de soulagement, d’espérance et de « joie pleine » (cf. Jn 15, 11).
Je désire enfin rappeler la situation de nombreux étudiants internationaux qui font face à des problèmes d’insertion, à des difficultés bureaucratiques, et à des obstacles dans la recherche de logement et de structures d’accueil. De façon particulière, les communautés chrétiennes doivent être sensibles à l’égard des nombreux jeunes garçons et filles qui, précisément en raison de leur jeune âge, outre la croissance culturelle, ont besoin de points de référence et cultivent dans leur cœur une profonde soif de vérité et le désir de rencontrer Dieu. De façon particulière, les universités d’inspiration chrétienne doivent être des lieux de témoignage et de diffusion de la nouvelle évangélisation, sérieusement engagés à contribuer, dans le milieu académique, au progrès social, culturel et humain, ainsi qu’à promouvoir le dialogue entre les cultures, en valorisant la contribution que peuvent apporter les étudiants internationaux. Ceux-ci seront poussés à devenir eux aussi des acteurs de la nouvelle évangélisation s’ils rencontrent d’authentiques témoins de l’Evangile et des exemples de vie chrétienne.
Chers amis, invoquons l’intercession de Marie, « Vierge du chemin », afin que l’annonce joyeuse du salut de Jésus Christ apporte l’espérance dans le cœur de ceux qui, le long des routes du monde, se trouvent dans des situations de mobilité. À tous j’assure ma prière et je donne la Bénédiction apostolique.
Du Vatican, le 21 septembre 2011
BENEDICTUS PP. XVI
MESSAGE DU PAPE BENOÎT XVI POUR LA JOURNÉE MONDIALE
DES MIGRANTS ET DES RÉFUGIÉS (2013)
« Migrations : pèlerinage de foi et d’espérance »
Chers frères et sœurs !
Le Concile Œcuménique Vatican II, dans sa Constitution pastorale Gaudium et spes, a rappelé que « l’Église fait route avec toute l’humanité » (n. 40) et, par conséquent « les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes d’aujourd’hui, des pauvres surtout et de tous ceux qui souffrent, sont aussi les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des disciples du Christ, et il n’est rien de vraiment humain qui ne trouve écho dans leur cœur » (ibid., n. 1). À cette déclaration ont précisément fait écho le Serviteur de Dieu Paul VI, qui a qualifié l’Église d’« experte en humanité » (Enc. Populorum progressio, n. 13), et le Bienheureux Jean-Paul II, qui a affirmé que la personne humaine était « la première route que l’Église doit parcourir en accomplissant sa mission ..., route tracée par le Christ lui-même » (Enc. Centesimus annus, n. 53). Dans mon Encyclique Caritas in veritate, j’ai voulu préciser, dans la lignée de mes Prédécesseurs, que « toute l’Église, dans tout son être et tout son agir, tend à promouvoir le développement intégral de l’homme, quand elle annonce, célèbre et œuvre dans la charité » (n. 11), en me référant aussi aux millions d’hommes et de femmes qui, pour diverses raisons, vivent l'expérience de la migration. En effet, les flux migratoires sont « un phénomène qui impressionne en raison du nombre de personnes qu’il concerne, des problématiques sociale, économique, politique, culturelle et religieuse qu’il soulève, et à cause des défis dramatiques qu’il lance aux communautés nationales et à la communauté internationale » (ibid., n. 62), car « tout migrant est une personne humaine qui, en tant que telle, possède des droits fondamentaux inaliénables qui doivent être respectés par tous et en toute circonstance » (ibidem).
Dans ce contexte, j’ai voulu dédier la Journée Mondiale du Migrant et du Réfugié 2013 au thème « Migrations : pèlerinage de foi et d’espérance », en concomitance avec les célébrations du 50ème anniversaire de l’ouverture du Concile Œcuménique Vatican II et du 60ème anniversaire de la promulgation de la Constitution Apostolique Exsul familia, tandis que toute l’Église s’efforce de vivre l'Année de la foi en tâchant de relever avec enthousiasme le défi de la nouvelle évangélisation.
De fait, foi et espérance forment un binôme inséparable dans le cœur de très nombreux migrants, à partir du moment où se trouve en eux le désir d’une vie meilleure, en essayant très souvent de laisser derrière eux le « désespoir » d’un futur impossible à construire. En même temps, les voyages de beaucoup sont animés par la profonde confiance que Dieu n’abandonne pas ses créatures et ce réconfort rend plus tolérables les blessures du déracinement et du détachement, avec au fond l’espérance d’un futur retour vers leur terre d’origine. Foi et espérance remplissent donc souvent le bagage de ceux qui émigrent, conscients qu’avec elles « nous pouvons affronter notre présent : le présent, même un présent pénible, peut être vécu et accepté s'il conduit vers un terme et si nous pouvons être sûrs de ce terme, si ce terme est si grand qu’il peut justifier les efforts du chemin » (Enc. Spe salvi, n. 1).
Dans le vaste domaine des migrations, la sollicitude maternelle de l’Église se déploie dans diverses directions. D’une part, celle qui considère les migrations sous l’aspect dominant de la pauvreté et de la souffrance, qui entraîne souvent des drames et des tragédies. C’est là que se concrétisent les interventions de secours pour résoudre les nombreuses urgences, avec le dévouement généreux d’individus et de groupes, d’associations de volontariat et de mouvements, d’organismes paroissiaux et diocésains en collaboration avec toutes les personnes de bonne volonté. D’autre part, cependant, l’Église n’oublie pas de mettre en évidence les aspects positifs, les potentialités bénéfiques et les ressources dont les migrations sont porteuses. Dans cette voie prennent alors corps les interventions d’accueil qui favorisent et accompagnent une insertion intégrale des migrants, des demandeurs d’asile et des réfugiés dans leur nouveau contexte socioculturel, sans négliger la dimension religieuse, essentielle pour la vie de chaque personne. Et c’est précisément à cette dimension que l’Église est appelée, en raison de la mission même que le Christ lui a confiée d’être attentive et de prendre soin : tel est son devoir spécifique le plus important. Envers les fidèles chrétiens provenant de différentes parties du monde l'attention à la dimension religieuse comprend également le dialogue œcuménique et le soin accordé aux nouvelles communautés, tandis qu’envers les fidèles catholiques elle s’exprime notamment en réalisant de nouvelles structures pastorales et en valorisant les différents rites, jusqu’à la pleine participation à la vie de la communauté ecclésiale locale. La promotion humaine va de pair avec la communion spirituelle, qui ouvre les voies « à une conversion authentique et renouvelée au Seigneur, unique Sauveur du monde » (Lett. ap. Porta fidei, n. 6). C’est toujours un don précieux qu’apporte l’Église en menant à la rencontre avec le Christ qui ouvre à une espérance stable et fiable.
L’Église et les diverses réalités qui s’inspirent d’elle sont appelées, à l’égard des migrants et des réfugiés, à éviter le risque d’apporter une simple assistance, pour favoriser l’intégration authentique, dans une société où tous puissent être des membre actifs et responsables chacun du bien-être de l'autre, généreux pour garantir des apports originaux, avec un droit de citoyenneté à part entière et une participation aux mêmes droits et devoirs. Ceux qui émigrent emportent avec eux des sentiments de confiance et d’espérance qui animent et confortent la recherche de meilleures opportunités de vie. Toutefois, ils ne cherchent pas seulement une amélioration de leur condition économique, sociale ou politique. Il est vrai que le voyage migratoire commence souvent par la peur, surtout quand des persécutions et des violences contraignent à la fuite, marquée par le traumatisme de l’abandon des membres de la famille et des biens qui, en quelque sorte, assuraient la survie. Mais la souffrance, l'énorme perte et, parfois, un sens d’aliénation face à l’avenir incertain ne détruisent pas le rêve de reconstruire, avec espérance et courage, une existence dans un pays étranger. En vérité, ceux qui migrent nourrissent l’espoir confiant de trouver un accueil, d’obtenir une aide solidaire et d’entrer en contact avec des personnes qui, comprenant leur malaise et la tragédie de leurs semblables, reconnaissant aussi les valeurs et les ressources dont ils sont porteurs, soient disposées à partager humanité et ressources matérielles avec les nécessiteux et les déshérités. Il faut réaffirmer, de fait, que « la solidarité universelle qui est un fait, et un bénéfice pour nous, est aussi un devoir » (Enc. Caritas in veritate, n. 43). Migrants et réfugiés, au milieu des difficultés, peuvent également faire l’expérience de relations nouvelles et hospitalières, qui les encouragent à contribuer au bien-être des pays d’arrivée, grâce à leurs compétences professionnelles, leur patrimoine socioculturel et, souvent aussi, grâce à leur témoignage de foi, qui donne une impulsion aux communautés de vieille tradition chrétienne, encourage à rencontrer le Christ et invite à connaître l’Église.
Certes, chaque État a le droit de réguler les flux migratoires et de mettre en œuvre des politiques dictées par les exigences générales du bien commun, mais toujours en garantissant le respect de la dignité de chaque personne humaine. Le droit de la personne à émigrer – comme le rappelle la Constitution conciliaire Gaudium et spes au n. 65 - est inscrit au nombre des droits humains fondamentaux, avec la faculté pour chacun de s’établir là où il l’estime le plus opportun pour une meilleure réalisation de ses capacités, de ses aspirations et de ses projets. Dans le contexte sociopolitique actuel, cependant, avant même le droit d’émigrer, il faut réaffirmer le droit de ne pas émigrer, c’est-à-dire d’être en condition de demeurer sur sa propre terre, répétant avec le Bienheureux Jean-Paul II que « le droit primordial de l’homme est de vivre dans sa patrie : droit qui ne devient toutefois effectif que si l’on tient constamment sous contrôle les facteurs qui poussent à l’émigration » (Discours au IVe Congrès mondial des Migrations, 1998). Aujourd’hui, en effet, nous voyons que de nombreuses migrations sont la conséquence d’une précarité économique, d’un manque de biens essentiels, de catastrophes naturelles, de guerres et de désordres sociaux. A la place d’une pérégrination animée par la confiance, par la foi et par l’espérance, migrer devient alors un « calvaire » pour survivre, où des hommes et des femmes apparaissent davantage comme des victimes que comme des acteurs et des responsables de leur aventure migratoire. Ainsi, alors que certains migrants atteignent une bonne position et vivent de façon digne, en s’intégrant correctement dans le milieu d’accueil, beaucoup d’autres vivent dans des conditions de marginalité et, parfois, d’exploitation et de privation de leurs droits humains fondamentaux, ou encore adoptent des comportements nuisibles à la société au sein de laquelle ils vivent. Le chemin d’intégration comprend des droits et des devoirs, une attention et un soin envers les migrants pour qu’ils aient une vie digne, mais aussi, de la part des migrants, une attention aux valeurs qu’offre la société où ils s’insèrent.
À ce propos, nous ne pouvons pas oublier la question de l'immigration clandestine, thème beaucoup plus brûlant dans les cas où celle-ci prend la forme d’un trafic et d’une exploitation des personnes, avec plus de risques pour les femmes et les enfants. De tels méfaits doivent être fermement condamnés et punis, alors qu’une gestion régulée des flux migratoires, qui ne peut se réduire à la fermeture hermétique des frontières, au renforcement des sanctions contre les personnes en situation irrégulière et à l'adoption de mesures visant à décourager les nouvelles entrées, pourrait au moins limiter pour de nombreux migrants les dangers de devenir victimes des trafics mentionnés. Des interventions organiques et multilatérales pour le développement des pays de départ et des contre-mesures efficaces pour faire cesser le trafic des personnes sont en effet extrêmement opportunes, de même que des programmes organiques des flux d’entrée légale et une plus grande disponibilité à considérer les cas individuels qui requièrent des interventions de protection humanitaire, au-delà de l’asile politique. Aux normes appropriées doit être associée une œuvre patiente et constante de formation de la mentalité et des consciences. Dans tout cela, il est important de renforcer et de développer les rapports d’entente et de coopération entre les réalités ecclésiales et institutionnelles qui sont au service du développement intégral de la personne humaine. Dans la vision chrétienne, l'engagement social et humanitaire tire sa force de la fidélité à l’Évangile, en étant conscient que « quiconque suit le Christ, homme parfait, devient lui-même plus homme » (Gaudium et spes, n. 41).
Chers frères et sœurs migrants, que cette Journée Mondiale vous aide à renouveler votre confiance et votre espérance dans le Seigneur qui se tient toujours à côté de nous ! Ne perdez pas l'occasion de le rencontrer et de reconnaître son visage dans les gestes de bonté que vous recevez au cours de votre pérégrination migratoire. Réjouissez-vous car le Seigneur est proche de vous et, avec lui, vous pourrez surmonter les obstacles et les difficultés, en conservant comme un trésor les témoignages d’ouverture et d’accueil que beaucoup de gens vous offrent. En effet, « la vie est comme un voyage sur la mer de l’histoire, souvent obscur et dans l’orage, un voyage dans lequel nous scrutons les astres qui nous indiquent la route. Les vraies étoiles de notre vie sont les personnes qui ont su vivre dans la droiture. Elles sont des lumières d'espérance. Certes, Jésus-Christ est la lumière par antonomase, le soleil qui se lève sur toutes les ténèbres de l’histoire. Mais pour arriver jusqu’à lui nous avons besoin aussi de lumières proches – de personnes qui donnent une lumière en la tirant de sa lumière et qui offrent ainsi une orientation pour notre traversée » (Enc. Spe salvi, n. 49).
Je confie chacun de vous à la Bienheureuse Vierge Marie, signe d’espérance sûre et de consolation, « étoile du chemin », qui, par sa présence maternelle, est proche de nous à chaque instant de notre vie, et j’accorde à tous, avec affection, la Bénédiction Apostolique.
Du Vatican, 12 octobre 2012
BENEDICTUS PP. XVI
11:09 Publié dans Pape François, Société | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : migrants, pape françois
Commentaires
ÉPOQUE
> Etrange époque ou nous devons concilier les devoirs antagoniste de l'accueil et de la lutte contre le libéralisme dont les migrations sont un levier d'action déterminant.
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Écrit par : Pierre Huet / | 30/03/2016
IMPRESSIONS
> Comme vous le montrez fort justement, la position de fond de l'Eglise n'a pas changé avec le pape Francois.
La forme du discours a lui par contre nettement évolué, contribuant à cette (fausse) impression, non pas que le pape Francois se soucie des migrants, mais seulement d'eux. Impression qui n'avait pas lieu d'être avec Jean-Paul II et Benoit XVI.
Bonne continuation.
Helmut
[ PP à H. :
- La forme du discours a évolué dans tous les domaines avec l'arrivée du pape argentin.
- Sur les réfugiés, il ne dit pas autre chose que ses prédécesseurs (tout en le disant autrement).
- Je comprends mal le grief "s'occuper seulement d'eux". Parlant du devoir de charité envers les déracinés, il s'occupe en effet de réfugiés ; de qui s'occuperait-il d'autre ? Mais il s'occupe par ailleurs de tous les problèmes d'aujourd'hui, comme le montre 'Laudato Si' et comme va le montrer 'Amoris laetitia'.
- Si certains ont l'impression que le pape ne s'occupe que d'un seul problème, c'est que les médias parlent jour et nuit de ce problème au détriment des autres ; et que la plupart des gens ne font pas l'effort de savoir de quoi le pape parle par ailleurs ! ]
réponse au commentaire
Écrit par : Helmut / | 31/03/2016
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